Documentariste

              CAROLINE PHILIBERT, Documentariste

 
Non, non, non, non,
le créationnisme 
n’est pas mort !http://www.creationnisme.ca/index.jspshapeimage_1_link_0

Le projet de ce film est né à la parution d’un article du Monde, le 14 Août 1999. On y lit que le darwinisme est toujours le sujet d'une virulente croisade idéologique, menée par les théologiens créationnistes, avec un succès qui ne laisse pas de me surprendre. Intitulé : "Au Kansas, l'obscurantisme veut chasser Darwin des écoles", l’article cite l'Association pour la Création du Missouri, combattant l’hérésie: "Au commencement, Dieu a créé le ciel et la terre, c'est aussi simple que cela. Comment les chrétiens évolutionnistes qui veulent adapter les écritures à cette théorie ridicule peuvent-ils croire aux textes sacrés s'ils rejettent une partie de la parole de Dieu ?”

Aux Etats-Unis, où de grandes avancées scientifiques sont publiées et vulgarisées, l’enseignement de l’évolution n’est plus obligatoire avant l’université dans certains états ; dans d’autres états, les théories de l’évolution doivent être enseignées en même temps que les théories créationnistes !

«Je pense que depuis plusieurs années, nous sommes menacés de voir la science abandonner l’idée d’un progrès ordonné dans l’évolution humaine, et conduire ainsi à une catastrophe…» prophétisait un paléontologue au début du XXème siècle.

Collage : Pierrette Thulliez

L’idée de laïcité est assez forte en France pour que ces intégrismes idéologiques et religieux n’aient pas le même écho, mais j’ai parfois l’impression que devant la peur de l’avenir, l’obscurantisme gagne, mêlé à un bricolage des spiritualités. Consciente que les avancées scientifiques peuvent avoir des utilisations et des effets pervers, une partie du public est tenté d’en nier l’intérêt. Les savoirs scientifiques restent très mal partagés. Les citoyens ont des connaissances vagues, parcellaires, souvent superficielles, parfois anciennes auxquelles se mêlent des scoops scientifiques, médiatisés en quelques phrases et quelques images, dont ils tirent des conclusions hâtives. Pourtant, connaître les acquis majeurs des sciences et techniques s’avère indispensable au citoyen pour bien appréhender les enjeux de notre société. Ce besoin de culture scientifique est particulièrement évident dans le domaine de la biologie : il n’est de jour qui passe sans que les médias alertent l’opinion publique sur les menaces qui pèsent sur notre environnement. La transformation du vivant par le développement des biotechnologies, l’émergence des organismes génétiquement modifiés ou encore l’impact des activités humaines sur la diversité biologique sont des sujets d’actualité. Mais nombreux sont ceux qui ne disposent pas du cadre de référence scientifique nécessaire pour comprendre cette actualité d’une manière synthétique et pour discerner les vrais enjeux.


Ce cadre conceptuel existe pourtant. Je l’ai découvert en me penchant sur la biologie évolutive à l’occasion de la production d’un autre film. Le concept d’espèce et la question de l’évolution unit les savoirs complémentaires des géologues, des paléontologues, des généticiens, des biologistes du développement, des éthologues et des écologistes. Elle intéresse particulièrement les philosophes et historiens des sciences, parce qu’elle pose aux hommes des questions sur leur place au monde et dans l’histoire du vivant. J’ai, pour ma part, l’impression d’avoir acquis, en me penchant sur ce thème, une plus grande intelligence des questions d’actualité.


Plusieurs ouvrages de vulgarisation, peut-être à l’usage d’un public déjà curieux, ont été publiés ces dernières années : les auteurs de toutes les disciplines s’accordent globalement sur un certain nombre de concepts :

1  L’évolution des espèces est indiscutable, : elle est le résultat d’adaptations progressives, de mutations brutales, de sélections et de décimations, relevant de la rencontre historique et contingente d’événements externes et d’événements évolutifs internes depuis 3,5 milliards d’années . La configuration actuelle de la biosphère en est le résultat.


2 Aux questions sur les particularités anatomiques, les caractères physiologiques, les changement d’environnement qui départagèrent gagnants et perdants, ils répondent que le hasard et la contingence président à la sélection et à l’évolution des espèces.


3  Grâce à la génétique et à la biologie du développement, ils ont élucidé un certain nombre de mécanismes évolutifs  et conclu qu’aucune logique de progrès n’a organisé le bricolage biologique qui a abouti à la biosphère actuelle,


4 L’évolution ne produit pas des espèces meilleures et plus adaptées, mais des espèces de plus en plus complexes. Cette complexité ne semble correspondre à aucune nécessité adaptative. Elle est due simplement à l’irréversibilité des innovations, qui se produisent de manière cumulative,


5 Le modèle de l’évolution n’est pas une échelle, au haut de laquelle se situe l’espèce humaine. C’est plutôt un buisson touffu, dont l’homme n’est qu’une ramille sur la branche des grands singes.


On comprend que ce corpus de connaissance inquiète tout ceux qui ne peuvent imaginer le monde et son histoire autrement que comme le creuset d’une humanité dominante, car l’idée du "bricolage" biologique, dont l'homme n’est qu'un avatar, est peu flatteuse et va vers notre détrônement du centre des choses.

C’est, comme l’a remarqué Freud, le coût quasi-intolérable de nos progrès dans la connaissance.

Mais faut-il lui préférer l’obscurantisme, creuset des idéologies totalitaires et intégristes ?

Aquarelles: Christophe Philibert

Incomplète, provisoire, changeante au gré des découvertes, la théorie de l’évolution se constitue par l’apport de milliers de chercheurs, lancés dans des directions divergentes et dont les contradictions ne sont pas près d’être résolues… Ce n’est pas l’accord parfait, mais au delà de quelques                        se dégage une  harmonie certaine.

 

Allez directement aux chapitres :

2  Les débuts de la théorie

3 La variabilité : notions de génétique 

4  La dérive des populations

5  La spéciation  

6  La reine rouge

7  L’accumulation 

8  Grands bonds 

9  Le mot de la fin

1- Le créationnisme