CAROLINE PHILIBERT, Documentariste

 

Collage : Pierrette Thulliez

Ouh ! là là , ça se complique !

Je retourne à la liste des films

Une valse à trois temps : ( temps 1 : la variabilité )

Comment transmet-on les caractères nouveaux à la descendance ? Les lois de l’hérédité et de la génétique, découvertes en 1866 par Grégor Mendel, contemporain de Darwin, proposent une réponse. Elles n’ont pas été reconnues d’emblée, ont été développées soixante-dix ans plus tard, notamment par le généticien Dobzhansky (1937) et ont donné lieu à une théorie qui intègre les données de la génétique aux observations des paléontologues et des biologistes : la théorie synthétique de l’évolution.

L’évolution se fait par la transmission de gènes mutés.

Comment la mutation d’un élément si petit peut-elle provoquer des changements morphologiques si importants ?

Il faut, pour le comprendre, connaître la structure des organismes vivants.

Détaillons rapidement :

Les cellules qui constituent les organismes, sexués ou non sexués, se renouvellent constamment. Au cours de ces réplications, la molécule d'ADN qui contient le patrimoine génétique (le «génome») se divise en deux et se reconstitue à l'identique dans chaque cellule nouvelle. Si dans ce processus de réplication, des erreurs se produisent (par le remplacement d’une base par une autre), ces erreurs peuvent se répercuter sur la totalité de l'échelle d’organisation.


Certes, ces «erreurs» sont souvent réparées. Mais dans d’autres cas, elles subsistent et ont des conséquences morphologiques, amplifiées -ou minorées-  par le développement de l’individu. Ces conséquences sont parfois très désavantageuses : ce sont les anomalies du développement ou malformations, étudiées par la tératologie (pour les vertébrés en tout cas) ; elles entraînent souvent la mort du fœtus et expliquent une partie des nombreux avortements naturels. D’autres, non létales, induisent des pathologies sévères ou des handicaps lourds pour un individu, mais pas de modification de l’espèce.


Dans d'autres cas, si la modification morphologique présente un avantage vis-à-vis de l'environnement où si elle est au minimum neutre, elle va persister par le jeu de la reproduction. Un individu, pour des raisons diverses, transmettra le gène muté à sa descendance : c’est une innovation. Ces innovations génétiques sont une possibilité de création de nouvelles espèces.


On entrevoit déjà le rôle du hasard, s’il survient et subsiste une «erreur» concernant l’une des 45000 bases constituant l’ADN.

“Aujourd’hui, résume André Langaney (la philosophie biologique, 1999), le monde vivant pourrait être représenté comme un système d’encastrement de mécanismes aléatoires, structuré par leurs interactions et de nombreuses rétroactions. La rencontre aléatoire de macromolécules d’acides nucléiques et de mutagènes, chimiques ou physiques, crée une variation de base, laquelle est amplifiée par les mécanismes de la sexualité : la meïose forme les cellules sexuelles par une répartition très aléatoire des gènes des grands-parents, et la fécondation les unit par une nouvelle épreuve de tirage très aléatoire des cellules sexuelles des parents.


La sélection élimine sévèrement le non-viable et le non-fécond. Mais face à son environnement limité et à des circonstances très aléatoires, le petit nombre qui survit n’est qu’un échantillon très biaisé des possibles. Les “meilleurs concevables” ont toutes les chances de n’être pas conçus, ou d’être éliminés au hasard. La sélection n’est donc pas la survie systématique des plus aptes, ni même des plus féconds, comme l’écrivait Darwin mais le tri aléatoire d’un échantillon arbritraire apte et fécond, parmi une infinité de possibles aptes et féconds…


“De même, au niveau de l’histoire génétique des espèces et de leurs populations, en particulier quand elles sont relativement peu nombreuses, comme les humains et les vertébrés en général, les mécanismes aléatoires jouent un rôle crucial.”


Pierre-Henry Gouyon, qui enseigne la génétique moléculaire à l’université d’Orsay, souligne le bouleversement de l’interprétation sur la transmission des caractères, opéré dans les années 70. Jusque-là, la logique de l’évolution étant bien élucidée, on pensait que les individus se servaient de leurs gènes pour se reproduire. Maintenant on dirait à l’inverse que les gènes se servent des individus pour se reproduire. Ils fabriquent les individus les mieux à même de les assurer d’être présents en grand nombre de copies à la génération suivante …


L’exemple du vieillissement et de la mort le prouve : lorsqu’un organisme n’est plus apte à se reproduire, donc à transmettre ses gènes, il vieillit et meurt, faisant place à d’autres organismes qui eux-mêmes vont reproduire leur génome.


Depuis que la vie existe, les mêmes gènes perdurent de génération en génération, et d’espèces en espèces. Par l’analyse génétique des archives paléontologiques, on a prouvé que les mêmes gènes sont repérables dans des espèces tout à fait différentes, ayant vécu à des époques lointaines. Des organismes présentant des formes très différentes sont construits à l’aide des mêmes batteries de gènes… Tous les êtres vivants apparaissent donc constitués des mêmes modules qui sont distribués de manière différente.

              “Le monde vivant est une sorte de combinatoire d’éléments en nombre finis et ressemble à un gigantesque mécano, résultant d’un bricolage incessant de l’évolution.”

François Jacob

3-La variabilité

Aquarelles: Christophe Philibert


Microcours de biologie et définitions pour les ignorants

(de mon espèce)


Chaque cellule vivante renferme en son noyau la totalité des paires de chromosomes dont le nombre est caractéristique d’une espèce. Chaque cellule contient donc le patrimoine génétique de son propriétaire.


Les chromosomes, qui vont par paires, portent les alignement de gènes. Dans chaque paire, les deux chromosomes portent au même endroit des gènes homologues qui ne sont pas rigoureusement identiques. Les gènes ou leur combinaisons règlent les multiples aspects de l’organisme.


Les gènes sont le niveau fondamental du vivant. Ils sont des portions de l’
ADN, une immense molécule en forme d’hélice. Cette célèbre molécule contient tout le patrimoine génétique.

Quatre bases A/T/C/G, alignées en séquences, constituent les gènes (environ 45000 bases par gène).

Tous les individus d’une même espèce portent les mêmes gènes aux mêmes endroits. Mais une partie de ces gènes se présente d’un individu à l’autre sous des formes différentes qu’on appelle allèles. Ces paires d’allèles portent donc les variables individuelles ( yeux bleus ou noirs, cheveux blonds ou bruns, frisés ou plats…)

Cependant les relations d’inclusion sont complexes : il faut pafois deux gènes, sur d’autres chromosomes différents pour que l’information soit lue.

Voilà de quoi chacun de nous est fait !