CAROLINE PHILIBERT, Documentariste
Collage : Pierrette Thulliez
Aquarelles: Christophe Philibert
3 La variabilité : notions de génétique
Allez directement aux chapitres :
7 -L’accumulation
Une valse a mille temps
Donc, avons-nous vu, pas d’amélioration finalisée des espèces, mais une complexification progressive : la vie sur terre est apparue probablement il y a environ 3,5 à 3,6 milliards d’années, sous forme de cellules procaryotes (cellules sans noyau, sans chromosomes appariés, sans mitochondries, sans chloroplastes). Il y a 1800 millions d’années, apparition du noyau, donnant naissance aux eucaryotes et à une structure de la cellule que nous possédons encore. Les plus vieux fossiles connus sont ceux d’algues simples et d’autres organismes unicellulaires.
Les cellules eucaryotes forment vers 700 millions d’années, les unités de bases des êtres multicellulaires, animaux et végétaux, Cette évolution des premières formes aboutit après l’apparition des parties dures, à “l’explosion précambrienne” : il y a 570 millions d’années surgit, dans un temps relativement limité, et non pas selon une lente et progressive montée, une faune extrêmement diversifiée… une explosion qui s’accomplit dans le minuscule laps de temps (à l’échelle géologique) de quelques millions d’années. La plupart de ces plans d’organisations disparaissent rapidement, au cambrien, nous l’avons vu, mais pour la plupart des groupes restants, presque tout semble joué dès l’origine, pour ne plus donner lieu qu’à des évolutions adaptatives, exploitant les options initiales. Les organisations corporelles qui se sont développées alors étaient les ébauches des formes actuelles. Depuis les centaines de millions d’années qui ont suivi le Cambrien, très peu de nouveaux plans structuraux sont apparus.
Or, cette notion d’irréversibilité a été mise en évidence par de simples probabilités mathématiques : “les transformations évolutives sont si complexes - impliquant des centaines de changements indépendants- que tout retour complet à un état antérieur devient impossible, pour la même raison que vous ne tirerez jamais mille faces à la suite en lançant une pièce de monnaie non truquée. Il n’y a là ni mysticisme, ni vitalisme, simplement le jeu des lois ordinaires des probabilités dans un monde complexe. Un changement simple (accroissement de la taille, mutation d’un seul gène…) peut faire l’objet d’une réversion, mais les transformations les plus courantes observées en paléontologie (l’apparition du vol chez les oiseaux, l’apparition de l’homme à partir d’ancêtres du type des grands singes) interdisent le retour à l’état ancestral exact.
L’histoire est irrévocable. A partir du moment où vous avez adopté le plan d’organisation ordinaire d’un reptile, des centaines d’options vous sont à jamais fermées, et les innovations ultérieures doivent se déployer dans les limites imposées par les structure anatomiques héritées du passé. “
(S.J. Gould : Une inflexion anormale, in Comme les 8 doigts de la main).
Figure imposée : l’accumulation
“Apparition du crâne, chez les agnates («sans mâchoire»), des mâchoires chez les poissons puis, chez les crossoptérygiens, apparition du membre segmenté qui permettra plus tard la sortie de l’eau, et deviendra commun à tous les tétrapodes. Peu après, étape capitale, apparition de l’amnios qui permettra l’affranchissement définitif du milieu aquatique pour les reptiles et leurs descendants. L’apparition de l’homéothermie, du placenta, la spécialisation des dents, le mode d’articulation de la mâchoire et récemment la bipédie et le développement de la conscience sont autant de pas successifs qui, au lieu de se remplacer s’accumulent au cours du temps. Quand les mammifères (les cétacés) retournent dans leur milieu marin initial, ils ne reprendront jamais les caractères ancestraux des poissons, mais au contraire gardent tous les acquis qui leur ont permis la sortie de l’eau : membres du tétrapode, amnios, placenta, mode de respiration.”
(d’après H. Tintant. Questions sur la théorie de l’évolution)
Certaines espèces, passant d’un mode de vie à un autre s’adapteront, mais garderont indéfiniment la trace d’organes devenus inutiles. D’ailleurs que les espèces ne peuvent évoluer que si les organes “en voie d’évolution” remplissent à un moment plusieurs fonctions, ou que certaines fonctions sont assurées par plusieurs organes … ce qui laisse possible un temps de transition au cours de laquelle les individus restent viables
L’évolution ne revient jamais en arrière, elle ne sait qu’accumuler les innovations. Cela donne à l’histoire des vertébrés cet aspect de progression (vers la complexité, l’autonomie et le développement d’organes de relations), qui conduit encore maintenant à une interprétation finaliste, à une conception d’un progrès universel.