CAROLINE PHILIBERT, Documentariste
Collage : Pierrette Thulliez
Aquarelles: Christophe Philibert
Les guêpes … j’suis dégoûtée
3 La variabilité : notions de génétique
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Une certitude scientifique est maintenant établie : depuis trois milliards d’années, le vivant va vers une complexité croissante. De la cellule procaryote au Mammouth, tout de même, qui nierait que le vivant s’est complexifié ? Mais cette complexité est-elle synonyme de progrès ? Le mouvement rend-il les espèces meilleures ?
Si c’était le cas, elles devraient avoir une probabilité d’extinction d’autant plus faible qu’ils évoluent plus longtemps et se rapprochent de leur optimum adaptatif. Or, Leigh Van Valen, après avoir étudié les taux d’extinction de 24 000 familles ou espèces, découvre avec surprise qu’il n’en est rien. Toutes finissent par être remplacées ou par disparaître : “Les espèces, à mesure qu’elles évoluent, n’augmentent ni ne diminuent leurs chances d’éviter l’extinction “
Alors, pourquoi ces constantes adaptations ? L’environnement change ? Certes. Et l’environnement, ce n’est pas seulement la qualité de l’air, le climat, ou la végétation. C’est aussi les autres espèces…
Leigh Van Valen explique la complexification du vivant par une « course » entre les vivants, où chaque espèce va devoir s’adapter et se réadapter toujours, en raison des innovations continuelles de ses compétiteurs. Il a baptisé son hypothèse du nom de La Reine Rouge, le personnage de Lewis Carrol qui entraîne Alice, passée de l’autre côté du miroir, dans une course immobile.
La reine rouge danse sur place
L’exemple du parasitisme est à cet égard frappant. Le parasite, comme l’hôte n’ont d’autre « objectif » que de transmettre leurs propres gènes, mais la poursuite commune de cet objectif ne peut se faire à l’amiable. Le parasite, pour transmettre ses gènes, doit exploiter son hôte, mais aussi limiter sa violence pour ne pas le tuer. L’hôte, pour transmettre les siens, doit limiter au son exploitation par le parasite. Parasite et hôte sont dans une logique de guerre.
L’exemple de la coévolution chenille-guêpes illustre bien la course aux armements, où la fuite de l’hôte dans un refuge apparemment inexpugnable suscite l’invention, chez le parasite, de véritables techniques de commando. En Juillet, les lycènes, beaux papillons bleus, s’accouplent et déposent leurs œufs sur les inflorescences des gentianes bleues. L’histoire commence bien, comme on les aime. Les chenilles qui éclosent se nourrissent de la fleur. A la fin du mois d’août, elles se laissent tomber sur le sol puis s’immobilisent. Lorsqu’une fourmi myrmica passe par là et rencontre une chenille immobile, elle la tâte de ses antennes et l’emporte délicatement dans son nid. La raison de cette méprise est que la chenille de lycène imite la larve de fourmi par sa forme et sans doute son odeur. La chenille sera alors nourrie en permanence par trois ou quatre ouvrières, qui consomment en retour ses sécrétions. Jusqu’ici tout va bien et si toute la chance est avec notre chenille, au bout de dix mois, devenue énorme, elle se métamorphose. Le jeune papillon gagne la sortie de la fourmilière et s’envole à la recherche d’une jeune papillonne.
Mais hélas, la guêpe parasitoïde Ichneumon eumerus guette et repère les fourmilières qui contiennent des chenilles. Attirée sans doute par une stridulation particulière qu’émet la chenille, elle pénètre dans la fourmilière. Infiltrée dans la place, la diabolique émet une substance qui pousse les fourmis à se battre entre elles ; grâce à cette diversion, elle chemine tranquillement vers la chenille, sur laquelle elle pond son œuf, qui dévore la chenille vivante.
La lycène et la guêpe ont probablement co-évolué : lorsque la chenille a élu refuge dans les fourmilières, pour échapper à son parasite, l’évolution a doté la guêpe des adaptations nécessaires pour la suivre. Le succès du papillon est toujours limité par les attaques de la guêpe : jeu à somme nulle !
6 - La reine rouge